À partir de 200 sons dans 300 langues enregistrés avec des habitants du 20e arrondissement, le musicien Étienne Gaillochet a créé une ballade sonore, réécoutable (et téléchargeable) sur Bandcamp. Un trésor babélien, vivant et vivifiant, présenté lors de la dernière édition de VoVf.

 

De ses voyages à l’étranger, le musicien et compositeur multi-instrumentiste, Étienne Gaillochet ne rapporte jamais de souvenirs en plastique ou autre bulle à neige, mais toujours une chanson, un bout de poème, quelques phrases en arabe, en coréen ou en malgache. «C’est mon tourisme à moi», s’amuse-t-il. Cet attrait pour la musicalité des langues lui a inspiré le projet BABIL, vaste collecte de langues et de sons qu’il a menée dans le 20e arrondissement de Paris avec la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs Saint-Blaise.

Place des fêtes Paris 20ème © Etienne Gaillochet

Nos langues enfouies

«Nous avons tou.tes une langue apprise, enfouie, oubliée, maternelle, paternelle, natale ou d’adoption, connue ou non… quelque part en nous», constate Etienne qui invite tout un chacun à  venir s’enregistrer dans le Babilomaton. Une fois le rideau tiré, on s’installe et on appuie sur « play ». Les seules consignes sont de ne pas dépasser 30 secondes et de faire appel à sa mémoire, à son histoire personnelle. «Quelques bribes de mexicain rapportées d’un voyage, une comptine entendue dans l’enfance», autant de pépites que le compositeur saura sertir.

« Prêtez-nous votre langue, enregistrez votre voix, parlez, chantez, rappez, récitez des poésies, comptez ou contez ! »

Babilomaton installé à la MPAA Saint Blaise © Léo Ducatez

Babilomaton

Le Babilomaton, structure conçue par le service technique de la MPAA sur le modèle des photomatons, est installé dans différents lieux, une semaine à la bibliothèque Couronnes, au pavillon Baudouin, à la MPAA. «Prêtez-nous votre langue, enregistrez votre voix, parlez, chantez, rappez, récitez des poésies, comptez ou contez !», encourage Etienne qui va à la rencontre de ceux qui hésitent pour les aider à franchir le pas.

Au centre social de la Cité Saint Blaise, il convainc le groupe de femmes égyptiennes du cours de FLE (Français Langue Etrangère.Ndr) de donner à entendre la langue de leur pays d’origine. Il a ses techniques pour convaincre. «Me voir chanter en arabe les a fait rire et désinhiber», explique Etienne qui récolte de février à avril 2020, plus de 200 sons, dans 300 langues et parlers différents, y compris le français enrichi de tous ses accents, timbres et modulations.

Réverb’, loupe, pitch

Après la collecte commence le plus gros du travail avec un groupe d’amateurs passionnés, réunis au sein de l’atelier de montage sonore «Babil». À l’aide de l’outil Reaper, logiciel de montage en open source, ils apprennent à créer des effets, des loupes, à croiser les pistes, pitcher (modifier la vitesse de lecture d’une chanson. Nda), compresser, etc. «On travaillait avec Etienne aussi bien la pratique vocale que le montage et l’harmonisation», témoigne Léo Ducatez, en charge de l’accueil et la médiation à la MPAA qui a participé à l’atelier.

Deux pistes de 18’21 et 19’48 mn naissent de ce travail d’arrangement. Une ballade sonore émouvante qui s’autorise à garder les hésitations, les reprises, les fous rires, les souffles, la vie. Mises en ligne sur Bandcamp, plateforme équivalente à Spotify et Deezer, «qui propose toutes les fonctionnalités utiles aux groupes, mais gérées par eux et pour eux», précise Etienne, les enregistrements sont téléchargeables gratuitement (il suffit d’indiquer 0 euro dans la fenêtre !).

BABIL à VoVf

La restitution de cette belle collecte urbaine n’a pu avoir lieu lors du festival « Frontière(s) » en septembre à Paris, annulé en raison de la crise sanitaire, mais Etienne Gaillochet a présenté BABIL et quelques extraits durant la dernière édition de VoVf, pour laquelle il avait aussi orchestré une lecture musicale en hommage à Toni Morrison.

BABIL continue à délier les langues en 2021

Le projet BABIL sera reconduit en 2021 avec des partenaires du festival VoVf, nous ne manquerons pas de vous informer des lieux et places où sera installé le Babilomaton pour participer à cet heureux partage des langues qui habitent nos cœurs.